Courrier picard du 23 novembre 2012
Il ne suffit pas d'extraire les vestiges du sol. Encore faut-il les analyser pour leur donner du sens et écrire l'histoire. C'est le rôle des labos.
Sachets de plastique transparents et ruban adhésif... Alison Féron emballe précautionneusement les restes d'un bracelet en schistre retrouvés l'été dernier sur le site de fouilles archéologiques de Renancourt.
Quartier de la Croix-Rompue à Amiens. C'est là, dans les locaux du centre de recherches de l'institut national pour l'archéologie préventive (Inrap), qu'atterrit l'essentiel du mobilier trouvé sur les chantiers de fouilles régionaux: «Les fouilles sont prévues sur une période donnée, il n'est donc pas question de réaliser sur place un nettoyage et une analyse poussée des éléments retrouvés, d'autant qu'on ne dispose pas toujours des moyens nécessaires», rappelle Élisabeth Justome, de l'Inrap.
Des tables de travail surélevées, des éviers à l'ergonomie étudiée, des aspirateurs, des bacs, des tamis et des cagettes à n'en plus finir. Partout, jusque dans les bureaux des archéologues.
Et sur chacune d'elles, un lieu, une date, une mention. «Pitgam (Nord), juin2012. Céramiques». Inventaire soigné d'une précieuse matière première qui reste à exploiter.
Derrière son plan de travail, Gilles Laperle, spécialiste du funéraire s'évertue à dégager les restes d'ossements extraits l'été dernier d'une fosse à crémation retrouvée sur le site gallo-romain de Renancourt.
«Les contours ont été dégagés. Les restes se trouvaient probablement dans un coffret en bois qui a disparu». Un grattoir de dentiste pour dégager les sédiments, un coup d'aspirateur pour évacuer la terre... «Là, on retrouve deux fibules (NDLR: de grosses épingles à nourrices qui servaient à fermer les vêtements) qui sont passées au feu».
L'amateur n'y aurait vu que de vagues protubérances couleur rouille au cœur de l'amas osseux. Le spécialiste, lui, y trouve de précieux enseignements qui lui permettent de pousser l'analyse. «Ça suppose que le défunt était habillé au moment de la crémation. Cette fosse date de l'Âge du fer final, au I ersiècle avant notre ère».
En règle générale, on parvient à déterminer l'âge du sujet. Ici un pré-adulte. Sa corpulence aussi, car il existe des normes en matière de poids des ossements.
Plus rarement, on parvient à identifier le sexe : «C'est l'os coxal qui donne les indications les plus fiables. Or il tient très mal à la crémation», rappelle Gilles Laperle.
Pitgam, sur le chantier du gazoduc Dunkerque-Gournay-sur- Aronde, la Zac Boréalia à Amiens, les fouilles du château de Liancourt, celles du château de Boves, de Brissay-Choigny ou de Prémontrés dans l'Aisne...
Absolument toutes les découvertes effectuées sur les chantiers de fouilles préventives passent ainsi en laboratoire pour être nettoyées, décortiquées, analysées et, le cas échéant, réparées.
Avant d'être soigneusement répertoriées, dessinées, puis portés sur des plans par les topographes. In fine, les responsables d'opération réalisent un dossier qui viendra grossir les rayons d'une abondante documentation consultable en ligne.
Avant que les vestiges eux, ne prennent le chemin du musée ou d'un centre de conservation et d'études.
PHILIPPE FLUCKIGER
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